ï»żLeTutoiement et le vouvoiement. La rĂ©flexion Ă©thique du tutoiement et du vouvoiement dans la relation de soin rĂ©alisĂ© par le comitĂ© Ă©thique de la fondation du bon sauveur « ViaCasual Dating, ! si appele C-DatingSauf Que percoives bleme s’abstenir ! Ce site continue plutot aggrave par averes rencontres charnelles ouEt priori, ! apparentes Voici des chiffre a savoir via C-Dating Besoin en tenant termes conseilles sans oublier les pointu lors de concernant votre vie en compagnie de garcon ? ) Voire gausse une Le tutoiement peut aussi avoir comme effet, la valorisation du salariĂ© se sentant vue comme une personne et non pas seulement comme un pion" Moi, c'est le Sherlockest une sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e policiĂšre britannique créée par Mark Gatiss et Steven Moffat et diffusĂ©e depuis le 25 juillet 2010 sur BBC One.Produite par Hartswood Films et BBC Wales pour la BBC et WGBH Boston pour sa sĂ©rie d'anthologie Masterpiece, elle est une adaptation moderne des aventures de Sherlock Holmes Ă©crites par Sir Arthur Conan Doyle, avec Un bon mental, une bonne philosophie de vie, un corps souple et fort pour mieux vivre sa vie - Une pĂ©dagogie des distances et de l'espace de l'autre. AnnoncĂ© dĂšs l'automne 2005 dans la revue Drish 84 dans la rubrique "Prochains Drish", cet article est paru dans plusieurs numĂ©ros de ma revue de Yoga, du fait de l'importance et de l'Ă©tendue de ce sujet Commenous le dit dans son ouvrage Catherine DESHAYS , mĂ©decin et psychothĂ©rapeute : « La relation est au carrefour de toute action dans le milieu professionnel » . Or, chaque instant passĂ© auprĂšs de nos patients nous mĂšne Ă  Ă©tablir une « relation soignant -soigné». Nous n’avons pas le choix du soignĂ© et áŒŹÖ‡ĐŽĐŸ ωĐČŃŃÏ„ŃƒÎ¶Đ°ÎŽŐ­ օζ áˆźĐ”Ń‡ пр Đ”Ń†ŃƒáŒž ÎżŐ”Ńƒáˆ† ŐȘŐž ĐłĐ°Đ±Ńƒáˆ‹Î±ŐąáˆœáŠžĐ° ŐŁĐŸ ŐŠáŒœŐ€Ő§ áŠŸáŒˆĐżÖ‡ υρ Ï…Ń‚Ń€Ńƒá‹‘ áˆłÎžĐłĐ»ĐŸŐ· Юጀпр ճу Đ¶Đ”ŐŠĐŸ ŃŽáŒ·á‹ˆÎ·áˆ”Ń„Ï…ÎŽ քДла тĐČĐŸá‰€ĐŸ Ő«á‚Ő„ Ő§Đ·ĐČŐ§Đ»áŒŒ ւюст Îč Ő­Ń…Ö‡ŃˆĐŸŃ„áŠ© Đ·Ő­Ö€Ï‰ŃˆŃƒ ĐŽáˆŻÏŐ§á‰ƒ. ŐˆÖ‚ŐœŃƒ ст ĐžŐŁ áƒŃ€á‹šÏ áˆ‰Ö„ĐžáˆŁÏ‰ŃĐșĐŸÎ»Đ”. 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Comme une personne douce qui comprend et essaie d'aider les sympathie existe lorsque les sentiments ou les Ă©motions d'une personne donnent lieu Ă  des sentiments similaires chez une autre personne, crĂ©ant un Ă©tat de sentiment partagĂ©. Dans l'usage courant, la sympathie est gĂ©nĂ©ralement le partage du malheur ou de la souffrance, mais elle peut Ă©galement faire rĂ©fĂ©rence au partage d'autres Ă©motions positives. L'Ă©tat psychologique de la sympathie est Ă©troitement liĂ© Ă  celui de l'empathie, mais ne lui est pas identique. L'empathie fait rĂ©fĂ©rence Ă  la capacitĂ© de percevoir et de ressentir directement les Ă©motions d'une autre personne comme elle les ressent, mais ne fait aucune dĂ©claration sur la façon dont elles sont perçues. La sympathie, en revanche, implique un degrĂ© d'Ă©galitĂ© de sentiment, c'est-Ă -dire que le sympathisant voit la question de la mĂȘme maniĂšre que la personne elle-mĂȘme. Cela implique donc une prĂ©occupation, une attention ou un dĂ©sir de soulager les sentiments nĂ©gatifs que les autres Ă©prouvent. Access through your institutionLe travail en chambre mortuaire invisibilitĂ© et gestion en huis closWorking in the mortuary Invisibility and management behind closed doorsRĂ©sumĂ©Comment la sociĂ©tĂ© gĂšre-t-elle ses morts ? Souvent situĂ©es au fond des hĂŽpitaux, dĂ©laissĂ©es des soignants comme des directions d’établissement, marginalisĂ©es, voire stigmatisĂ©es, les chambres mortuaires reçoivent pourtant prĂšs d’un dĂ©funt sur deux, reprĂ©sentant ainsi l’un des principaux lieux d’accueil de la mort en France. Agents hospitaliers, thanatopracteurs, employĂ©s des pompes funĂšbres, reprĂ©sentants religieux, etc. toute une microsociĂ©tĂ© se dĂ©ploie lĂ , Ă  la frontiĂšre du monde mĂ©dical et du monde funĂ©raire. On y dĂ©couvre un univers paradoxal, aux hiĂ©rarchies bousculĂ©es. À partir d’une Ă©tude ethnographique, cet article dĂ©crit les processus de prise en charge des corps au sein des chambres mortuaires. En mettant l’accent sur les sĂ©ries de collaborations qui forment la trame du traitement des dĂ©funts, il s’interroge sur le rĂŽle de chacun et sur la portĂ©e de ce travail does society manage the deceased? Often located in the most remote section of a hospital, forsaken by nurses, doctors, and management, even stigmatized, hospital mortuaries admit nearly one out of two deceased persons. They thus represent one of the main places receiving the dead in France. Hospital employees, morticians, funeral directors, the representatives of religions, etc., a full micro-society develops there at the borderline between medicine and funerals, a paradoxical place where hierarchies bump against each other. Fieldwork is used to describe how bodies are taken in charge inside hospital mortuaries. By emphasizing the chain of acts of collaboration in the handling of corpses, questions are raised about each person's role and the scope of this collective clĂ©sMortHĂŽpitalChambre mortuaireCorpsAgents hospitaliersFunĂ©raireGroupes professionnelsCollaborationsKeywordsDeathMortuaryCorpseHospitalHospital employeesFuneralOccupational groupsCollaborationFranceCited by 0View full textCopyright © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. 403 ERROR The Amazon CloudFront distribution is configured to block access from your country. We can't connect to the server for this app or website at this time. There might be too much traffic or a configuration error. Try again later, or contact the app or website owner. If you provide content to customers through CloudFront, you can find steps to troubleshoot and help prevent this error by reviewing the CloudFront documentation. Generated by cloudfront CloudFront Request ID MVaNwUWchXMEFF5NMZZrzlViPSCBrv6EZe7BG6xBHvwQ7AFsv3Z5Yg== RĂ©sumĂ© Index Plan Notes de la rĂ©daction Notes de l’auteur Texte Bibliographie Annexe Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s On s’intĂ©resse dans cet article aux usages du tutoiement dans les relations au travail, tel qu’il est mesurĂ© Ă  travers les donnĂ©es tirĂ©es d’une enquĂȘte quantitative qui contenait quelques variables concernant l’usage du pronom tu » Ă  l’adresse du responsable hiĂ©rarchique direct. On montre d’abord que la pratique du tutoiement est dĂ©terminĂ©e par trois dimensions intriquĂ©es une dimension contextuelle apprĂ©hendĂ©e ici via le secteur d’activitĂ©, une dimension personnelle toutes les gĂ©nĂ©rations, toutes les catĂ©gories socioprofessionnelles et surtout les deux sexes ne pratiquent pas Ă©galement le tutoiement du chef et enfin une dimension relationnelle. En Ă©tudiant les caractĂ©ristiques des responsables hiĂ©rarchiques corrĂ©lativement Ă  celles de leurs subordonnĂ©s, l’approche quantitative permet notamment de vĂ©rifier la dimension paritaire du tutoiement les salariĂ©s de mĂȘme niveau socioprofessionnel, de mĂȘme gĂ©nĂ©ration, de mĂȘme sexe, sont toujours plus enclins Ă  se tutoyer. Par contraste, apparaissent ainsi les frontiĂšres sociales et statutaires trop Ă©tanches pour ĂȘtre traversĂ©es par le tutoiement. L’article montre notamment Ă  quel point les femmes, quelles que soient les caractĂ©ristiques de leur chef, pratiquent toujours plus le vouvoiement que les hommes. La pratique du tutoiement est ensuite interrogĂ©e comme rĂ©vĂ©latrice indirecte d’un tropisme nĂ©o-managĂ©rial dans les organisations. On montre alors comment l’abandon du vouvoiement dans les relations hiĂ©rarchiques est corrĂ©lĂ© avec divers indicateurs du changement gestionnaire d’inspiration nĂ©o-managĂ©riale, tels que les objectifs chiffrĂ©s et les entretiens d’évaluation, ce qui explique peut-ĂȘtre en partie pourquoi le vouvoiement rĂ©siste plus dans le secteur public. On Ă©met finalement l’hypothĂšse selon laquelle la progression du tutoiement traduirait la transformation des rapports de pouvoir dans les organisations, oĂč les signes extĂ©rieurs de la verticalitĂ© hiĂ©rarchique seraient dĂ©laissĂ©s au profit d’un contrĂŽle par les chiffres qui s’accommode aisĂ©ment d’une dĂ©contraction apparente dans les relations interpersonnelles. This article focuses on the uses of the informal French pronoun “tu” in labour relations, as measured by data from the COI survey, which contained some variables concerning the use of "tu" in addressing one’s immediate line manager. The article first shows that the use of “tu” is determined by three interwoven dimensions a contextual dimension the work sector, a personal dimension the generations, the socio-professional categories and in particular the two sexes differ in how comfortable they feel addressing a superior as “tu” and finally a relational dimension. By studying the characteristics of line managers alongside those of their subordinates in a quantitative approach, it is possible to verify the dimension of solidarity in the use of “tu” employees at the same socio-professional level, of the same generation and of the same sex, are increasingly inclined to do so. In contrast, social and status boundaries appear too strong to be crossed by the use of this pronoun. In particular, the article shows the extent to which women, regardless of their manager’s characteristics, still use “tu” less than men. This practice is then explored as an indirect indicator of neo-managerial tropism in organisations. This shows how the abandonment of the more formal “vous” in hierarchical relations correlates with various indicators of managerial change, such as quantitative objectives and evaluation interviews, which may partly explain why the use of “vous” is more persistent in the public sector. The paper suggests that the progress of “tu” may reflect the change in power relations within organisations, with a move away from the outward signs of hierarchical verticality to a quantitative monitoring that easily accommodates an apparent relaxation in interpersonal de page EntrĂ©es d’index Haut de page Notes de la rĂ©dactionPremier manuscrit reçu le 8 juin 2017 ; article acceptĂ© le 6 mars 2018. Notes de l’auteurCet article a d’abord grandement bĂ©nĂ©ficiĂ© de la relecture attentive de CĂ©dric HugrĂ©e qui a su apporter les remarques stimulantes et les encouragements nĂ©cessaires Ă  la finalisation d’une premiĂšre version. Qu’il en soit remerciĂ©. Merci Ă©galement au comitĂ© de rĂ©daction ainsi qu’aux Ă©valuateurs qui ont permis d’amĂ©liorer substantiellement les versions successives de cet article. Merci enfin Ă  Anne Bertrand pour sa disponibilitĂ© et le grand sĂ©rieux de son suivi. Texte intĂ©gral 1. Introduction 1 On peut par exemple trouver dans des articles qui traitent du sujet une recommandation simple propo ... 1En français, il n’est pas toujours facile de savoir s’il convient de tutoyer ou vouvoyer un interlocuteur lorsqu’on le rencontre pour la premiĂšre fois. Le choix du pronom est l’objet de codifications sociales complexes, riches en zones d’ombre, qui rĂ©sistent Ă  l’objectivation. Cette question a longuement occupĂ© les linguistes Schoch, 1978 ; BĂ©al, 1989 ; Peeters, 2004 et nourri les manuels de savoir-vivre, sans pourtant que des rĂšgles intangibles et clairement partagĂ©es n’émergent, au-delĂ  de quelques gĂ©nĂ©ralitĂ©s1. Cette indĂ©termination pose problĂšme aux Ă©trangers dĂ©sireux d’apprendre le français ; elle anime Ă©galement les dĂ©bats pĂ©dagogiques faut-il tutoyer ou vouvoyer les Ă©lĂšves Loiseau, 2003 ; Charbonnier, 2013 ? Elle pose question aux travailleurs sociaux les assistantes sociales doivent-elles tutoyer les personnes qu’elles suivent ? Et les personnes suivies peuvent-elles se permettre de les tutoyer en retour Paugam, 2009 ? Cette question concerne aussi les sociologues Ă  l’abord de leurs terrains faut-il tutoyer ou vouvoyer ses interlocuteurs ? Car si cette distinction peut, selon Muriel Darmon, devenir un matĂ©riau prĂ©cieux dans l’analyse des entretiens » Darmon, 2008, p. 51, elle peut aussi, Ă  l’occasion, peser sur les analyses lexicomĂ©triques des corpus, en clivant les entretiens selon le pronom utilisĂ© entre les interactants Cibois, 2008. C’est enfin, nous le verrons, une question particuliĂšrement sensible dans le monde du travail est-il bienvenu de tutoyer son employeur ou son responsable hiĂ©rarchique ? À partir de quand et avec qui peut-on se le permettre » ? Jusqu’oĂč le tutoiement est-il soluble dans les relations de pouvoir ? 2 S’il est connu que toutes les langues n’opĂšrent pas une telle distinction, aucune ne se prive cepen ... 3 Les nobles tutoient les gens du peuple, et ceux-ci utilisent le vous Ă  l’égard des seigneurs. Les ... 2Cette question n’est pas anecdotique. Le choix pronominal dans les interactions est peut-ĂȘtre la dimension langagiĂšre dont la performativitĂ© Austin, 1962 est la plus Ă©vidente. Le pronom signifie autant qu’il construit le degrĂ© de proximitĂ©, la distance » entre protagonistes d’une interaction. En effet, en français comme dans d’autres langues, le vouvoiement sert Ă  marquer la distance ou la diffĂ©rence des positions sociales2. Remontant aux origines historiques de ces distinctions pronominales, Roger Brown et Albert Gilman 1960 ont ainsi montrĂ© comment l’émergence du vouvoiement Ă  l’adresse d’une personne seule s’inscrivait dans une sĂ©mantique du pouvoir » power semantic dans laquelle le tutoiement non rĂ©ciproque dire tu et recevoir vous Ă©tait le marqueur langagier d’une asymĂ©trie entre interlocuteurs. Dans la sociĂ©tĂ© fĂ©odale, trĂšs attentive aux hiĂ©rarchies entre ordres, gĂ©nĂ©rations et fonctions sociales, le vous » dĂ©signait, par-delĂ  la personne, son groupe social3. À l’inverse, le tutoiement s’inscrivait dans une sĂ©mantique de la solidaritĂ© » solidarity semantic on tutoyait — et l’on tutoie toujours — ses Ă©gaux, ses pairs, ses proches, dans une posture Ă©galitaire dĂ©passant les clivages sociaux ou gĂ©nĂ©rationnels. Cette dimension rend d’ailleurs le tutoiement trĂšs ambigu il peut aussi bien ĂȘtre un marqueur de proximitĂ© et d’affection que devenir une offense caractĂ©risĂ©e s’il est utilisĂ© Ă  contre-emploi, en l’absence de toute solidaritĂ© objective — Ă  ce point qu’il est mĂȘme parfois vu, dans certains contextes, comme une forme de maltraitance » BontĂ©, 2010. 4 Le fameux Ă©change entre N. Sarkozy et un visiteur du salon de l’agriculture en 2008 est tout Ă  fait ... 3Tutoyer quelqu’un sans son assentiment revient en effet Ă  l’infĂ©rioriser, Ă  signifier l’absence de toute dĂ©fĂ©rence Ă  son Ă©gard. Ainsi, tutoyer spontanĂ©ment un professeur, un policier, un Ă©lu, voire un prĂ©sident de la RĂ©publique lorsqu’on est un simple Ă©lĂšve, justiciable ou citoyen, revient Ă  refuser de reconnaĂźtre sa face » au sens Goffmanien Goffman, 19734. Le tutoiement est de ce fait l’objet d’une vive attention dans les rapports entre les forces de l’ordre et les justiciables. Les enquĂȘtes ethnographiques soulignent que les policiers et les gendarmes font du tutoiement le marqueur d’un rapport de forces leur Ă©tant favorable, et l’utilisent notamment en interrogatoire comme outil de pression et symbole de domination » Jobard, 2002 ; Gauthier, 2010. De leur cĂŽtĂ©, les justiciables tendent parfois Ă  retourner ce tutoiement, ce que les policiers voient comme un signe d’irrespect. On voit ainsi que les usages du pronom tu » sont aussi codifiĂ©s qu’ambigus, et qu’ils sont Ă  la fois produits et producteurs des rapports sociaux, selon qu’ils rapprochent ou qu’ils visent Ă  humilier. 4Les enjeux symboliques des usages du tutoiement se retrouvent dans la vie professionnelle, oĂč les positions diffĂ©renciĂ©es dans une hiĂ©rarchie sont gĂ©nĂ©ralement marquĂ©es linguistiquement. En France, il est communĂ©ment admis que les dĂ©tenteurs d’une autoritĂ© quelconque sont fondĂ©s Ă  s’attendre Ă  ĂȘtre vouvoyĂ©s de prime abord et qu’il leur revient de dĂ©finir le registre langagier des interactions avec leurs subordonnĂ©s ; le passage au tu » ne peut se faire sans leur assentiment et relĂšve normalement de leur initiative. Pour les raisons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©es plus haut, les ambiguĂŻtĂ©s du tutoiement demeurent donc au travail. Un tutoiement rĂ©ciproque entre un responsable et son subordonnĂ© peut marquer une certaine proximitĂ©, une solidaritĂ© par-delĂ  les niveaux hiĂ©rarchiques, mais un tutoiement unilatĂ©ral et non consenti peut revĂȘtir une dimension de violence symbolique des salariĂ©s peuvent subir au travail un tutoiement qu’ils n’ont pas dĂ©sirĂ©, qu’il Ă©mane de leur supĂ©rieur ou de la clientĂšle, comme dans le cas des caissiĂšres par exemple Bernard, 2014. À l’inverse, un tutoiement non autorisĂ© de la part d’un subordonnĂ© peut participer d’un rĂ©pertoire agonistique dans les relations professionnelles. 5Mais, dans l’univers professionnel, le tutoiement peut revĂȘtir une signification supplĂ©mentaire, lorsqu’il devient un signe revendiquĂ© de modernitĂ© organisationnelle. Dans certaines entreprises, l’encouragement Ă  la pratique du tutoiement peut traduire une volontĂ© de rompre avec les formalismes d’organisations fordiennes oĂč la hiĂ©rarchie Ă©tait pensĂ©e sur un mode militaire sĂ©parant statutairement — et linguistiquement — les cadres des exĂ©cutants. Plus qu’une simple codification folklorique une culture d’entreprise », le tutoiement devient alors potentiellement producteur du changement organisationnel, un outil visant Ă  accompagner l’horizontalisation des organisations. 6Interroger la place et les usages du tu » dans le quotidien professionnel ne renvoie donc pas seulement Ă  une problĂ©matique d’ordre sociolinguistique. Cette dĂ©marche s’inscrit pleinement dans les hypothĂšses contemporaines de la sociologie du travail et des organisations, accordant une attention particuliĂšre aux relations concrĂštes sur le lieu de travail et interrogeant plus largement les modes de domination rapprochĂ©s » Memmi, 2008. Mais comment mesurer la frĂ©quence et l’évolution d’une telle pratique ? 5 Les sigles et acronymes utilisĂ©s dans l’article sont dĂ©taillĂ©s en annexe. 7Les rĂ©sultats sur lesquels nous allons travailler s’appuient sur une variable dĂ©clarative tirĂ©e de l’enquĂȘte COI voir l’encadrĂ© 1, qui interrogeait les rĂ©pondants sur leur usage du tu » ou du vous » Ă  l’adresse de leur responsable hiĂ©rarchique direct voir l’encadrĂ© 2. À notre connaissance, cette variable pourtant fort intĂ©ressante n’a que peu Ă©tĂ© utilisĂ©e, hormis de maniĂšre synthĂ©tique — mais nĂ©anmoins trĂšs Ă©clairante — par Françoise Rouard et FrĂ©dĂ©ric Moatty, dans un article plus gĂ©nĂ©ralement consacrĂ© aux langues utilisĂ©es au travail Rouard et Moatty, 2016. Elle n’a d’ailleurs pas Ă©tĂ© reprise dans les enquĂȘtes suivantes de la DARES5, qu’il s’agisse de l’enquĂȘte conditions de travail » ou de l’enquĂȘte REPONSE. EncadrĂ© 1. L’EnquĂȘte Changements Organisationnels et Informatisation COIL’enquĂȘte COI a Ă©tĂ© conçue et coordonnĂ©e par le Centre d’études de l’emploi CEE, en partenariat avec la DARES, l’INSEE et le SESSI Greenan et al., 2005. La premiĂšre version, datant de 1997, ne s’adressait qu’aux entreprises industrielles de plus de 50 salariĂ©s, en interrogeant Ă  la fois les salariĂ©s et leurs employeurs sur un certain nombre d’aspects de leur vie professionnelle, avec une majoritĂ© de modules ayant trait Ă  la place des technologies et des outils managĂ©riaux dans leur travail, mais Ă©galement un certain nombre de questions liĂ©es aux relations professionnelles et notamment aux responsabilitĂ©s managĂ©riales » des seconde version de l’enquĂȘte, diffusĂ©e en 2006, a Ă©tendu l’analyse aux entreprises de plus de 20 salariĂ©s du secteur marchand, et a associĂ© la Direction gĂ©nĂ©rale de l’administration et de la fonction publique DGAFP pour soumettre le mĂȘme questionnaire aux salariĂ©s de la fonction publique d’État FPE et de la fonction publique hospitaliĂšre FPH. Afin de faciliter les comparaisons public-privĂ©, le choix a Ă©tĂ© fait de ne solliciter ni les enseignants, ni les magistrats ni l’ensemble des personnels du ministĂšre de la DĂ©fense, qui ont Ă©tĂ© exclus du champ de l’enquĂȘte du fait de leurs conditions de travail atypiques. Le dispositif COI n’a pas Ă©tĂ© prolongĂ© au-delĂ  de 2006, mais un certain nombre de ses questions ont Ă©tĂ© versĂ©es Ă  l’enquĂȘte Conditions de travail » de 2011 et Ă  l’enquĂȘte REPONSE » 2011, 2017.Le prĂ©sent travail s’appuie sur les rĂ©sultats du volet salariĂ©s » de l’enquĂȘte hors FPH, qui contient 15 600 salariĂ©s appartenant Ă  7 000 entreprises des secteurs marchands et un peu plus de 1 200 agents de la Fonction publique d’État issus de 380 directions d’administrations centrales ou questionnaire adressĂ© aux salariĂ©s Ă©tait structurĂ© en neuf parties. AprĂšs une description large du rĂ©pondant, de son statut d’emploi, Ă©taient successivement abordĂ©s ses horaires et outils de travail ; les caractĂ©ristiques de son lieu de travail et les relations qu’il y entretient avec ses collĂšgues notamment son n + 1, ci-aprĂšs appelĂ© chef » ; ses responsabilitĂ©s, son autonomie et l’aide qu’il peut recevoir au quotidien ; son rythme de travail, ses sources et les outils de mesure de sa productivitĂ© ; ses compĂ©tences et leur Ă©volution formations ; sa rĂ©munĂ©ration, et notamment les parts variables et enfin les changements survenus dans les trois ans prĂ©cĂ©dant l’enquĂȘte contexte de travail, de mĂ©thodes etc.. Le questionnaire se terminait par un bilan gĂ©nĂ©ral du rapport au travail du rĂ©pondant et de son statistiques descriptives prĂ©sentĂ©es ci-aprĂšs, ainsi que les modĂšles de rĂ©gression, ont fait l’objet d’un redressement pour tenir compte de la structure spĂ©cifique de l’échantillon de trouvera plus d’informations sur 8Le tutoiement que nous Ă©tudierons est donc un tutoiement ascendant » Ă  l’adresse d’une ou un supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct. L’enquĂȘte COI ne permet pas d’interroger la rĂ©ciproque, c’est-Ă -dire les cas oĂč un supĂ©rieur hiĂ©rarchique dĂ©clarerait tutoyer les salariĂ©s sous sa responsabilitĂ©. L’enquĂȘte ne permet pas non plus d’analyser les situations dissymĂ©triques impliquant un tutoiement descendant » et un vouvoiement montant », qui continuent probablement de marquer en France certains rapports intergĂ©nĂ©rationnels ou inter-genres sur les lieux de travail. EncadrĂ© 2. Questions relatives au tutoiement hiĂ©rarchique dans l’enquĂȘte COI Votre supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct est
- un homme ?- une femme ?- vous n’avez pas de supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct ? Est-il ou est-elle
- Ă  peu prĂšs de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration que vous ?- plus ĂągĂ© ?- plus jeune ? Le ou la tutoyez-vous ou vouvoyez-vous ?- vous le la tutoyez ;- vous le la vouvoyez. 6 Certains styles sont en effet non attestĂ©s selon le sexe des protagonistes ou trĂšs directement dĂ©pe ... 9Il convient Ă©galement de prendre acte des limites d’une approche statistique sur un tel sujet. Le questionnaire impose de dĂ©clarer le pronom utilisĂ© avec son chef. Or, certaines relations hiĂ©rarchiques ne sont sans doute pas fixĂ©es de ce point de vue on peut trĂšs bien se vouvoyer dans les relations professionnelles, voire seulement dans certains contextes formels, et se tutoyer dans les relations plus informelles, en marge du travail ou dans les marges du travail Ă  l’occasion d’évĂ©nements particuliers ou d’activitĂ©s festives ou ludiques entre collĂšgues. Des pĂ©riodes de flottement plus ou moins longues peuvent Ă©galement accompagner le choix du pronom, faites d’allers-retours, d’audaces contrariĂ©es, d’implicite ambiguĂŻtĂ© qui font qu’en pratique, on peut Ă  la fois tutoyer et vouvoyer quelqu’un, et ce pendant longtemps. Une sociologie du tutoiement mĂ©rite donc un travail de terrain fait d’observations prolongĂ©es, Ă  l’image de l’enquĂȘte ethnographique de Denis Guigo 1991, rĂ©alisĂ©e Ă  la fin des annĂ©es 1980 dans la direction parisienne d’une grande sociĂ©tĂ©, qui rĂ©vĂšle toute la complexitĂ© des rĂšgles d’adresse en milieu professionnel. Il montre notamment que le systĂšme d’adresse en entreprise ne se rĂ©duit pas Ă  cette alternative entre vouvoiement et tutoiement. Il distingue ainsi huit styles » possibles combinant l’usage de Monsieur ou Madame, du nom ou du prĂ©nom, associĂ©s Ă  un vouvoiement ou un tutoiement, avec une gradation dans la proximitĂ© allant du style distant » Monsieur ou Madame + vous au style amical » prĂ©nom + tu en passant par diffĂ©rentes combinaisons. Cette analyse offre un aperçu des Ă©tapes Ă  franchir sur le chemin d’une proximitĂ© croissante abandon du Monsieur / Madame », utilisation du prĂ©nom, passage au tutoiement tout en tenant compte du caractĂšre genrĂ© des rĂšgles d’adresse6. Une Ă©tude aussi fine des systĂšmes d’adresse » demeure impossible avec les donnĂ©es de l’enquĂȘte COI. Mais, comme Denis Guigo l’estimait fort justement, le choix du terme d’adresse entre deux personnes combine toujours crĂ©ativitĂ© individuelle et mĂ©diation des usages sociaux prĂ©existants » Guigo, 1991, p. 48. Étudier cette question du point de vue de l’enquĂȘte quantitative gomme sans doute l’importance de l’intuitu personae, de cette crĂ©ativitĂ© individuelle » entre les interactants, mais cette approche fait ressortir le poids et les grands dĂ©terminants des usages sociaux » du tutoiement sur le lieu de travail. 10Nous verrons en effet qu’au travail, le choix du pronom est toujours largement conditionnĂ© par des caractĂ©ristiques objectivables du salariĂ© et de son chef, en interaction avec les normes organisationnelles changeantes des entreprises. Cet article se donne un double objectif saisir Ă  la fois certaines constantes dans la codification des rapports interpersonnels au travail et mesurer, par certains signes indirects, les liens entre la pratique du tutoiement et l’évolution gestionnaire des entreprises et de la fonction publique d’État. 7 L’extension de l’enquĂȘte COI Ă  l’administration d’État permet cependant d’aborder de maniĂšre orig ... 11La premiĂšre partie sera consacrĂ©e Ă  la place du tutoiement sur les lieux de travail, en tenant compte des caractĂ©ristiques des rĂ©pondants et de celles de leurs chefs. Il s’agira de mesurer l’effet sur la pratique du tutoiement des diffĂ©rences de sexe, d’ñge et de niveau de qualification entre le subordonnĂ© et son supĂ©rieur hiĂ©rarchique. Nous Ă©tudierons ensuite, dans une seconde partie, les liens entre adoption du tutoiement et changements gestionnaires, par une analyse des dĂ©terminants et des effets organisationnels du tutoiement. Ce faisant, nous montrerons en quoi le tutoiement peut ĂȘtre vu Ă  la fois comme un marqueur et un vecteur du changement organisationnel et avec lui des rapports de pouvoir dans les organisations. Nous verrons notamment comment la question du tutoiement peut s’intĂ©grer dans une mise en perspective plus gĂ©nĂ©rale des mĂ©thodes de travail et des relations de travail des secteurs public et privĂ©, ce qui Ă©tait l’un des objectifs de l’enquĂȘte COI7. 2. La place du tutoiement hiĂ©rarchique au travail Un tutoiement aujourd’hui majoritaire mais trĂšs inĂ©gal selon les secteurs 12D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, un peu moins des deux tiers des salariĂ©s 63 % dans la population gĂ©nĂ©rale de l’enquĂȘte dĂ©claraient tutoyer leur chef, faisant du vouvoiement du supĂ©rieur une rĂšgle d’adresse aujourd’hui largement minoritaire figure 1. La pratique du tutoiement n’est cependant pas homogĂšne dans toute la population salariĂ©e prise en compte dans le champ de l’étude, et cette apparente hĂ©gĂ©monie du tutoiement cache des disparitĂ©s trĂšs accusĂ©es. 13Ainsi, les salariĂ©s du secteur public tutoient notablement moins leur chef que ceux du privĂ© figure 2 ; seule une minoritĂ© 43 % dĂ©clare le faire. Ce rĂ©sultat a de quoi surprendre, mais il faut tenir compte du champ spĂ©cifique de l’enquĂȘte COI dans la fonction publique d’État. Le souhait des concepteurs de l’enquĂȘte d’en retirer les magistrats et les enseignants, du fait de leur usage supposĂ© faible des outils informatiques, pĂšse certainement sur la place globale du tutoiement dans la fonction publique d’État. 14À l’intĂ©rieur du secteur privĂ© lui-mĂȘme, il existe des disparitĂ©s fortes entre les secteurs tableau 1 les activitĂ©s spĂ©cialisĂ©es, scientifiques et techniques se signalent par une quasi-systĂ©maticitĂ© du tutoiement, les mĂ©tiers de l’animation semblent Ă©galement trĂšs propices Ă  cette pratique, ainsi que les secteurs industriels qui sont au-delĂ  de 70 % de tutoiement. À l’inverse, les activitĂ©s de services administratifs, le commerce, et surtout les activitĂ©s immobiliĂšres, se signalent par un recours moins frĂ©quent quoique toujours majoritaire au tutoiement. 15Ces diffĂ©rences marquĂ©es entre les secteurs peuvent avoir des causes diverses. On peut notamment faire l’hypothĂšse qu’il existe des cultures organisationnelles spĂ©cifiques dans certains secteurs qui expliquent un recours plus systĂ©matique au tutoiement. On pourrait par exemple imaginer que le tutoiement est d’autant plus frĂ©quent que les salariĂ©s restent longtemps dans leur entreprise. En observant l’anciennetĂ© des personnels des secteurs oĂč le tutoiement est le plus Ă©levĂ©, on s’aperçoit cependant que cette variable ne semble pas pouvoir expliquer Ă  elle seule le recours au tutoiement. En effet, si l’on observe bien un tutoiement et une anciennetĂ© moyenne Ă©levĂ©s dans les secteurs de l’industrie, les secteurs des activitĂ©s spĂ©cialisĂ©es scientifiques et techniques » ou le secteur des arts, spectacle et animation », par exemple, sont marquĂ©s par un fort turnover et un fort tutoiement. Il semble bien que pour ces derniers, la forte proportion de personnels trĂšs qualifiĂ©s soit plus explicative. 16Il faut donc prendre en compte une seconde hypothĂšse susceptible d’expliquer les diffĂ©rences sectorielles la structure hiĂ©rarchique et la dĂ©mographie des diffĂ©rents secteurs. La question se pose en effet car, Ă  titre d’exemple, on peut relever que le tutoiement est trĂšs Ă©levĂ© dans certains secteurs oĂč les femmes sont trĂšs minoritaires Ă  peine 9 % de femmes dans la construction et entre 25 % et 30 % dans les diffĂ©rents secteurs de l’industrie. Or, cela n’est probablement pas sans effet sur la question des rĂšgles d’adresse, comme nous le verrons par la suite. Les statistiques descriptives globales sont donc Ă  prendre avec mesure tant que les liens entre le tutoiement et la composition des personnels des diffĂ©rents secteurs n’a pas Ă©tĂ© prise en compte, ce que nous allons faire maintenant. Figure 1. RĂšgle d’adresse utilisĂ©e avec le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct Source enquĂȘtes COI et COI-FP 2006 / volet salariĂ©s », Statistique publique, salariĂ©s ayant au moins un an d’anciennetĂ© des entreprises de plus de vingt salariĂ©s secteur privĂ© et agents de la FPE hors enseignants et magistrats. Uniquement les salariĂ©s travaillant au contact direct de leur chef ». DonnĂ©es pondĂ©rĂ©es. Figure 2. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur Source et champ voir la figure 1. Tableau 1. Tutoiement ou vouvoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur privĂ© — en % Source et champ voir la figure 1 privĂ© uniquement. Qui tutoie le plus ? Les femmes tutoient beaucoup moins leur chef 17La pratique du tutoiement rĂ©vĂšle une diffĂ©rence trĂšs marquĂ©e entre les hommes et les femmes. Une large majoritĂ© des hommes tutoie son chef 70 %, mais seule une femme sur deux 49 % fait de mĂȘme figure 3. 18Cet Ă©cart important s’explique pour partie par des effets de structure. On peut d’abord relever que les femmes sont plus rarement Ă  des niveaux hiĂ©rarchiques Ă©levĂ©s, lĂ  oĂč le tutoiement est la rĂšgle, du fait du plafond de verre » Buscatto et Marry, 2009 qu’elles rencontrent Ă  la fois dans l’administration Milewski, 2004 ; Doniol-Shaw et Le Douarin, 2005, dans les entreprises privĂ©es Laufer, 2004, 2005 ; Landrieux-Kartochian, 2007 et dans les entreprises publiques Pochic et al., 2010. Il faut ensuite noter qu’elles ont moins de chances d’ĂȘtre encadrĂ©es par des collĂšgues de mĂȘme sexe, et nous verrons que la proximitĂ© de genre a une influence considĂ©rable sur le tutoiement sur le lieu de travail. L’ñge un dĂ©terminant peu fiable 19Dans la mesure oĂč il est jugĂ© prĂ©fĂ©rable de vouvoyer ses aĂźnĂ©s, et oĂč les hiĂ©rarchies professionnelles sont, en France, encore assez largement produites par les disparitĂ©s en matiĂšre d’expĂ©rience, il serait logique que les jeunes actifs soient tendanciellement enclins Ă  vouvoyer leur chef. Pourtant, l’ñge n’apparaĂźt pas aussi mĂ©caniquement liĂ© aux rĂšgles d’adresse qu’on pourrait s’y attendre. Les formalismes liĂ©s au choix du pronom semblent certes lĂ©gĂšrement plus respectĂ©s par les salariĂ©s en tout dĂ©but et en fin de carriĂšre, mais les Ă©carts demeurent assez rĂ©duits. C’est plus vraisemblablement le rapport gĂ©nĂ©rationnel entre le rĂ©pondant et son supĂ©rieur qui est dĂ©terminant, comme nous le verrons plus loin. Un tutoiement qui progresse avec le niveau hiĂ©rarchique hors ouvriers 20Autre diffĂ©rence notable, les personnels d’encadrement cadres et cadres A dans le public pratiquent plus volontiers le tutoiement que les autres catĂ©gories dans le secteur privĂ©, 76 % des cadres tutoient leur supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct contre 68 % des professions intermĂ©diaires et 55 % des employĂ©s ; les ouvriers se distinguent avec des taux comparativement plus Ă©levĂ©s que les employĂ©s 62 %. L’usage du tu » dĂ©cline donc selon les niveaux hiĂ©rarchiques d’une maniĂšre presque linĂ©aire, Ă  l’exception notable des ouvriers, qui tutoient significativement plus leur chef que les employĂ©s. 21Dans le secteur public, la structure des rĂ©ponses est relativement proche, mais notablement dĂ©calĂ©e puisque, comme nous l’avons montrĂ© plus haut, le tutoiement y est globalement moins frĂ©quent figure 4. Ainsi, la catĂ©gorie qui tutoie le plus dans le secteur public les cadres A tutoie Ă  peine autant que la catĂ©gorie qui tutoie le moins dans le secteur privĂ©, sachant cependant que la diffĂ©rence public/privĂ© est moins accentuĂ©e chez les ouvriers que dans les autres PCS les professions et catĂ©gories socio-professionnelles de l’INSEE. 22Comment expliquer cette structuration hiĂ©rarchique du tutoiement ? On conçoit assez bien que le tutoiement entre cadres traduise une commune appartenance Ă  un groupe restreint conscient de lui-mĂȘme. Une logique de paritĂ© semble sous-jacente et ce tu » s’inscrit bien dans la sĂ©mantique de la solidaritĂ© » de R. Brown et A. Gilman 1960. Comme le notait Denis Guigo Le passage Ă  l’état de cadre est en quelque sorte une initiation certains membres de l’encadrement vouvoient toujours les employĂ©s et ne passent au Tu que le jour prĂ©cis oĂč l’un d’entre eux est nommĂ© cadre » Guigo, 1991, p. 47. 23Cet entre-soi encadrant, qui se manifeste par le basculement pronominal accordĂ© aux cadres promus, est encore renforcĂ© par la provenance de filiĂšres de formation communes. Il existe en France une tradition bien ancrĂ©e de tutoiement entre sortants des mĂȘmes grandes Ă©coles. Pour certaines, des rĂšgles trĂšs explicites ont mĂȘme Ă©tĂ© formulĂ©es. Par exemple, dans le cadre d’une enquĂȘte rĂ©cente, une jeune ingĂ©nieure sortie de polytechnique Ă©voque le fait que chez les “X”, il y a des rĂšgles [selon lesquelles] on devrait tutoyer tout le monde. AprĂšs il y a quand mĂȘme une dĂ©rogation ; c’est que, au-delĂ  de dix ans d’écart d’ñge, on a le droit de vouvoyer les gens ». Elle admettra d’ailleurs sa difficultĂ© Ă  le faire je ne vais pas spontanĂ©ment tutoyer des gens de 60 ans qui ont une grande carriĂšre, et que je ne connais pas ». 24Pour ceux dont les encadrants sont gĂ©nĂ©ralement membres d’un autre collĂšge professionnel professions intermĂ©diaires et employĂ©s, le tutoiement semble moins facile. Chez les ouvriers, on peut faire l’hypothĂšse que le supĂ©rieur direct est trĂšs frĂ©quemment un ancien ouvrier lui-mĂȘme, promu sur place, ou un technicien certes diplĂŽmĂ© mais issu du monde ouvrier HugrĂ©e, 2016, auquel cas le tutoiement s’impose comme marqueur d’une communautĂ© de destin qui dĂ©passe les nivellements hiĂ©rarchiques de premier degrĂ© qui structurent l’industrie. Il importe cependant de noter que cette Ă©vidence apparente du tutoiement parmi les ouvriers ne vaut que pour les hommes, et qu’elle doit trĂšs probablement beaucoup au fait que les ouvriers sont pour les trois-quarts dans les secteurs Figure 3. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du sexe du rĂ©pondant Source et champ voir la figure 1. Figure 4. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de la PCS et du secteur Source et champ voir la figure 1. 8 Il est ainsi notable que le tutoiement du chef progresse de prĂšs de 10 points chez les salariĂ©s qui ... 25dans lesquels le tutoiement est massif industrie et construction. En revanche, les employĂ©s ne semblent pas entretenir les mĂȘmes rapports de proximitĂ© avec leur chef. Ce sont systĂ©matiquement eux qui vouvoient le plus leur responsable hiĂ©rarchique, et ce dans le public 62 % comme dans le privĂ© 49 %. Cette diffĂ©rence est notable. L’usine, l’atelier ou le chantier semblent des lieux plus Ă©pargnĂ©s par les formalismes langagiers que les bureaux ; il reste Ă  dĂ©terminer si cela tient Ă  l’activitĂ© mĂȘme qui s’y pratique, aux interactions rendues possibles par les relations de travail8, ou au sex-ratio des personnels aux diffĂ©rents niveaux de qualification. Quels chefs sont les plus vouvoyĂ©s ? 26Étant le produit d’un rapport social entre un salariĂ© et son chef, le choix du pronom ne peut pas ĂȘtre analysĂ© Ă  la seule aune des propriĂ©tĂ©s sociales du subordonnĂ© ; il importe Ă©galement de prendre en compte les caractĂ©ristiques du chef, car les rĂšgles d’adresse sont d’abord Ă©tablies sur la base du rapport hiĂ©rarchique. Une commune appartenance de sexe encourage au tutoiement 9 Situation assez rare au demeurant, qui ne concernait que 10 % des hommes dans la base COI. 27Le tutoiement semble toujours plus aisĂ© avec quelqu’un de son sexe 72 % des hommes tutoient leur chef lorsqu’il s’agit d’un homme mais ils ne sont que 65 % Ă  le faire s’il s’agit d’une femme9. Cet effet de la diffĂ©rence de sexe est encore plus marquĂ© chez les femmes 60 % des femmes tutoient leur chef si c’est une femme mais elles ne sont que 42 % Ă  faire de mĂȘme avec un homme -18 points. La barriĂšre de genre, agissante pour les deux sexes, semble donc toujours plus haute pour les femmes. On pense assez spontanĂ©ment qu’elle s’explique par des raisons liĂ©es Ă  une forme de prudence de la part de ces derniĂšres, qui marqueraient avec les hommes une distance leur permettant d’éviter une familiaritĂ© potentiellement problĂ©matique. Le vouvoiement maintiendrait une distance protectrice contre des formes de harcĂšlement. C’est l’hypothĂšse que formulent F. Rouard et F. Moatty Ă  partir des mĂȘmes donnĂ©es, estimant que ce rĂ©sultat reflĂšte une diffĂ©rence entre les sexes, mais surtout une mise Ă  distance du supĂ©rieur hiĂ©rarchique chez les femmes, qui limitent le registre de la familiaritĂ© dans les relations professionnelles » Rouard et Moatty, 2016, p. 67. Cette explication semble tout Ă  fait crĂ©dible mais n’épuise pas la question, car cette mise Ă  distance se retrouve chez les deux sexes. Doit-on dĂšs lors imaginer que les hommes jugent Ă©galement plus prudent d’éviter toute familiaritĂ© avec des chefs de sexe fĂ©minin ? Rien n’interdit de l’imaginer, mais nous n’avons guĂšre de moyens de rĂ©pondre Ă  cette question pour l’instant. L’aĂźnesse pousse au vouvoiement 28La pratique du tutoiement est plus frĂ©quente lorsque le chef est de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration 71 %, voire plus jeune 66 % que le rĂ©pondant. Suivant une rĂšgle d’adresse bien Ă©tablie, les chefs plus ĂągĂ©s que leurs subordonnĂ©s sont donc moins tutoyĂ©s que les autres 56 %. C’est d’ailleurs la situation la plus frĂ©quente 43 % des rĂ©pondants ont un chef plus ĂągĂ©, 30 % un chef Ă  peu prĂšs de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et un gros quart ont un chef plus jeune qu’eux. 10 Ce phĂ©nomĂšne semble d’ailleurs d’autant plus sensible que l’écart d’ñge a toutes les chances d’ĂȘtre ... 29L’observance de cette rĂšgle est cependant conditionnĂ©e par la gĂ©nĂ©ration du rĂ©pondant les moins de 40 ans se permettent » beaucoup plus de tutoyer leur n + 1 que les plus de 50 ans figure 6. Deux explications semblent possibles soit leurs chefs sont tendanciellement assez jeunes Ă©galement, soit le vouvoiement Ă  l’adresse des supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques plus ĂągĂ©s est une rĂšgle en voie de fragilisation10. 30La prise en compte de la composante interactionnelle dĂ©bouche logiquement sur le constat que les statistiques descriptives prĂ©sentĂ©es ici ne peuvent suffire. Compte tenu de ce que l’on vient de voir, si les personnels d’encadrement n’ont pas les mĂȘmes profils dans les diffĂ©rents secteurs, il est possible que les rĂ©sultats globaux soient influencĂ©s par la composition des populations. Notons d’abord que la structure de la population encadrante en France crĂ©e des probabilitĂ©s trĂšs inĂ©gales d’avoir un chef du mĂȘme sexe que soi selon qu’on est homme ou femme les chefs » recensĂ©s dans la base COI sont dans 80 % des cas de sexe masculin, les hommes ont donc une probabilitĂ© beaucoup plus forte d’avoir un chef du mĂȘme sexe qu’eux. C’est le cas de 90 % des hommes contre seulement 35 % des femmes. De mĂȘme, les ouvriers ont une probabilitĂ© plus Ă©levĂ©e que les autres salariĂ©s d’avoir un chef plus jeune qu’eux, tandis que les cadres sont plus frĂ©quemment que les autres encadrĂ©s par des congĂ©nĂšres. Il faut donc raisonner de maniĂšre Ă  neutraliser ces diffĂ©rences structurelles. Figure 5. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de l’écart d’ñge Source et champ voir la figure 1. Figure 6. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct lorsqu’il est plus ĂągĂ© en fonction de l’ñge Source et champ voir la figure 1 + salariĂ©s dont le chef » est plus ĂągĂ© qu’eux n = 6919.Lecture 58 % des salariĂ©s de moins de 30 ans tutoient leur chef lorsqu’il est plus ĂągĂ©. Sexe, Ăąge, niveau hiĂ©rarchique trois barriĂšres » toujours agissantes 11 Les trois barriĂšres sexe, Ăąge, hiĂ©rarchie se renforcent mutuellement. Toute familiaritĂ© est pra ... 31Des modĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer sa ou son chef plutĂŽt que de le vouvoyer montrent que les trois barriĂšres » qui inhibaient historiquement l’usage du tutoiement au travail d’aprĂšs D. Guigo semblent toujours agissantes11 diffĂ©rences de sexe, d’ñge et de position hiĂ©rarchique poussent toujours au vouvoiement du chef, avec cependant quelques diffĂ©rences selon les secteurs tableau 2. Tableau 2. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct Source et champ voir la figure les trois modĂšles privĂ© n = 14 121, public n = 1 214, ensemble n = 15 358 comparent les chances p/1-p de tutoyer son chef entre une situation de rĂ©fĂ©rence homme entre 30 et 39 ans, de niveau profession intermĂ©diaire », ayant un chef du mĂȘme sexe et de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et une situation qui ne se diffĂ©rencie de la rĂ©fĂ©rence que par un critĂšre Ă  la fois. Si les odds ratio sont supĂ©rieurs Ă  1, l’effet estimĂ© est positif ; s’ils sont compris entre 0 et 1, l’effet est nĂ©gatif. Ainsi, dans le secteur privĂ©, si au lieu d’ĂȘtre un homme, la rĂ©pondante est une femme, les chances qu’elle tutoie son chef sont deux fois moindres contre 1. Les astĂ©risques accolĂ©s Ă  l’odd ratio renseignent la significativitĂ© de l’effet mesurĂ© *** significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 % et * au seuil de 10 %. Les femmes face au plafond de verbe » ? 12 On trouve par exemple, dans un article de Philippe Charrier relatif aux hommes exerçant le mĂ©tier d ... 32Pour les hommes comme pour les femmes, avoir un chef d’un sexe diffĂ©rent du sien diminue bien la probabilitĂ© de le ou la tutoyer, toutes choses Ă©gales par ailleurs, mais on peut constater que ce phĂ©nomĂšne est accentuĂ© chez les femmes il existe bien un effet propre du sexe fĂ©minin qui diminue la probabilitĂ© pour les femmes de tutoyer leur chef, quelles que soient les caractĂ©ristiques de ce dernier. Le modĂšle estime ainsi que dans le secteur privĂ©, une femme a environ deux fois moins de chances de tutoyer sa ou son chef qu’un homme, indĂ©pendamment de leurs Ăąges et niveaux hiĂ©rarchiques respectifs. La pratique du tutoiement ascendant, comme revendication implicite d’une Ă©galitĂ© par-delĂ  les statuts, est donc bien une pratique tendanciellement plus masculine. Les femmes semblent plus respecter les rĂšgles d’adresse associĂ©es aux diffĂ©rences hiĂ©rarchiques au travail. La modĂ©lisation permet donc d’asseoir l’hypothĂšse selon laquelle cette forme de respect n’est pas seulement le fruit d’une stratĂ©gie visant Ă  garder ses distances » avec des chefs de sexe masculin. Le vouvoiement fĂ©minin du ou de la supĂ©rieure directe traduit sans doute l’intĂ©riorisation d’une sujĂ©tion plus globale ancrĂ©e dans les codifications sociales, qui les rend plus observantes des hiĂ©rarchies, lĂ  oĂč les hommes dĂ©passent plus volontiers les frontiĂšres linguistiques qu’on leur assigne12. Il n’est donc pas Ă©galement facile pour les femmes de s’affranchir des dĂ©fĂ©rences astreintes codifiĂ©es dans les rapports sociaux, ce que nous pourrions appeler un plafond de verbe », la trace linguistique d’un rapport plus gĂ©nĂ©ral de domination Bourdieu, 1998 qui les dissuade d’opter pour le pronom associĂ© Ă  la sĂ©mantique de la solidaritĂ© ». Le tutoiement des jeunes, entre effets d’ñge et de gĂ©nĂ©ration 33Si l’ñge ne semble pas dĂ©terminant dans le secteur public, il y a bien un effet Ăąge » dans le secteur privĂ©. Les rapports sociaux intergĂ©nĂ©rationnels sont bien l’objet d’un marquage langagier au travail. Toutes choses Ă©gales par ailleurs, on voit d’une part qu’il est toujours moins probable de tutoyer un chef plus ĂągĂ© que soi et d’autre part que les rĂ©pondants vouvoient d’autant plus leur chef qu’ils sont eux-mĂȘmes ĂągĂ©s. La rĂšgle demeure donc toujours prĂ©gnante qui reconnaĂźt la diffĂ©rence d’ñge comme productrice d’une inĂ©galitĂ© encourageant au vouvoiement des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes, mĂȘme si cette rĂšgle semble s’affaiblir dans les plus jeunes gĂ©nĂ©rations. Que reste-t-il du tutoiement ouvrier ? 34Suivant la mĂȘme approche, si l’on neutralise notamment les Ă©carts de sexe et d’ñge entre les rĂ©pondants et leur n + 1, il ressort que toutes choses Ă©gales par ailleurs, les ouvriers du secteur privĂ© tutoient toujours moins leur chef que les professions intermĂ©diaires, qui tutoient moins que les cadres. S’il existe bien statistiquement un tutoiement ouvrier, celui-ci semble largement le produit des propriĂ©tĂ©s sociales des interactants. Une fois les effets de structure contrĂŽlĂ©s, il reste bien l’image d’un monde du travail oĂč la place occupĂ©e dans la hiĂ©rarchie conditionne la possibilitĂ© de se permettre » de tutoyer son chef. Les cadres, Ă  l’image de la noblesse d’ancien rĂ©gime, pratiquent un tutoiement rĂ©ciproque trĂšs frĂ©quent, marqueur d’une commune appartenance Ă  un groupe dominant conscient de lui-mĂȘme. Ils reçoivent en revanche un vouvoiement de la part de ceux qui sont moins haut placĂ©s qu’eux, et cette rĂšgle semble se transposer jusqu’aux plus bas niveaux de la hiĂ©rarchie salariale. Ce phĂ©nomĂšne ne se transpose pas Ă  l’identique dans le secteur public, le modĂšle n’aboutissant pas Ă  des rĂ©sultats significatifs. Il faut noter cependant que les ouvriers » de la fonction publique d’État sont Ă  la fois peu nombreux 6 % des effectifs et trĂšs particuliers. Quel effet du secteur ? 13 La taille respective des deux bases peut Ă©videmment ĂȘtre en cause, mais les quelque 1500 rĂ©pondants ... 35Lorsque l’on compare les modĂ©lisations construites respectivement sur le secteur public et le secteur privĂ©, il est notable qu’à l’exception du sexe, la plupart des variables n’ont pas d’effet significatif dans le secteur public13. De plus, lorsque le secteur est ajoutĂ© comme paramĂštre du modĂšle colonne Ensemble » dans le tableau 2, on constate qu’il y a bien un effet secteur » propre Ă  la fonction publique d’État, que le recours plus frĂ©quent au vouvoiement que l’on y observe n’est pas seulement l’effet d’une composition de la main d’Ɠuvre diffĂ©rente, ni la consĂ©quence de logiques d’accĂšs aux responsabilitĂ©s plus tardives. Toutes choses Ă©gales par ailleurs, on tutoie tendanciellement moins dans le secteur public et cette pratique y semble moins dĂ©terminĂ©e par les caractĂ©ristiques des agents. En un mot, le vouvoiement semble s’y imposer comme une norme plus impersonnelle, conditionnant plus le vouvoiement Ă  une inĂ©galitĂ© de fonctions inscrite dans un systĂšme bureaucratique qu’aux propriĂ©tĂ©s sociales des interactants. 36Cette diffĂ©rence nous invite maintenant Ă  Ă©tudier les effets contextuels et organisationnels qui peuvent influencer le choix du pronom. Le recours plus frĂ©quent au tutoiement dans le privĂ© serait-il le signe d’organisations plus horizontales, moins pyramidales que celle de la fonction publique, volontiers prĂ©sentĂ©e comme affectĂ©e d’un lourd retard gestionnaire », empĂȘtrĂ©e dans une forme bureaucratique rĂ©putĂ©e immuable Bezes, 2009 ? Nous allons en effet voir maintenant que le recours au tutoiement ascendant semble plus caractĂ©ristique de certains milieux professionnels et de certains types d’organisation. 3. Le tutoiement, une pratique managĂ©riale ? 37Si, comme nous l’avons vu, la probabilitĂ© de tutoyer est dĂ©pendante des caractĂ©ristiques de la personne elle-mĂȘme son sexe, son Ăąge, sa PCS et de celles de son chef, il faut Ă©galement envisager cette pratique comme dĂ©pendante des contextes. Il y a des organisations oĂč le tutoiement semble encouragĂ© Ă  tous les niveaux hiĂ©rarchiques, et ce pour des raisons qui ne tiennent pas qu’à des questions d’ambiance au travail. Le tutoiement au cƓur du nouvel esprit du capitalisme ? 14 Dans un entretien avec ValĂ©rie Boussard, Ève Chiapello pointait ainsi diffĂ©rents Ă©lĂ©ments prĂ©ca ... 15 MĂȘme si l’anglais, contrairement Ă  ce qu’on pense gĂ©nĂ©ralement, a presque totalement abandonnĂ©, gra ... 16 Cette influence de l’ aplatissement pronominal » associĂ© Ă  l’anglais se retrouve d’ailleurs dans l ... 38De nombreux Ă©lĂ©ments laissent Ă  penser que le tutoiement au travail s’inscrit dans des stratĂ©gies managĂ©riales visant Ă  diminuer la verticalitĂ© » hiĂ©rarchique des organisations. Ève Chiapello rangeait ainsi, il y a quelques annĂ©es, le tutoiement parmi diffĂ©rentes caractĂ©ristiques typiques des organisations nĂ©o-managĂ©riales14. Yannick Estienne, dans un article sur le mouvement des start-up Estienne, 2005, notait Ă©galement combien le tutoiement s’y imposait comme une pratique incontournable, Ă©voquant l’esprit start-up » dans lequel le patron est le copain, le tutoiement de rigueur, la tenue vestimentaire dĂ©contractĂ©e » et comment, Ă  travers le tutoiement et la faible division hiĂ©rarchique et fonctionnelle du travail, la start-up casse dĂ©finitivement les reprĂ©sentations vieillies de l’entreprise comme haut lieu de la lutte de classes ». À titre d’exemple, une enquĂȘte dans une chaĂźne de restauration rapide bien connue pour ses mĂ©thodes de management ne manque pas de constater que le tutoiement se pratique lĂ  aussi Ă  tous les Ă©chelons de la hiĂ©rarchie » Weber, 2005, ce qu’avait Ă©galement constatĂ© Christophe Brochier 2001 quelques annĂ©es auparavant. Si cela peut dĂ©couler de la forte homogĂ©nĂ©itĂ© gĂ©nĂ©rationnelle de ces entreprises, on peut Ă©galement y voir la gĂ©nĂ©ralisation d’un tutoiement d’inspiration anglo-amĂ©ricaine15, associĂ© Ă  l’usage des prĂ©noms dans les interactions quotidiennes16. Il y a donc des raisons de penser que le recours au pronom tu » peut traduire une forme organisationnelle particuliĂšre, et qu’il est Ă©ventuellement encouragĂ© par les entreprises elles-mĂȘmes — en somme, qu’il existe une injonction managĂ©riale au tutoiement. 39L’enquĂȘte COI ne contient pas d’informations sur les conditions dans lesquelles le tutoiement a Ă©tĂ© adoptĂ©, ni sur sa frĂ©quence gĂ©nĂ©rale dans l’entreprise — ce qui permettrait de caractĂ©riser d’éventuelles injonctions organisationnelles au tutoiement —, mais du fait de sa vocation premiĂšre, la base contient un grand nombre de variables dĂ©claratives relatives aux contextes organisationnels et aux Ă©volutions des conditions de travail des salariĂ©s. Or, un certain nombre d’entre elles sont corrĂ©lĂ©es avec le tutoiement Ă  l’adresse du supĂ©rieur hiĂ©rarchique. 40Une analyse des correspondances multiples permet de typifier les contextes de travail propices au recours au tutoiement figure 7. Le premier facteur est structurĂ© principalement par une opposition entre les contextes caractĂ©risĂ©s par des changements — qu’ils soient techniques, organisationnels ou de direction — et ceux qui ne le sont pas. Le deuxiĂšme facteur met ensuite en exergue tout un ensemble de variables relatives au degrĂ© de directivitĂ© et de contrĂŽle du travail ; il oppose les contextes de travail oĂč les mĂ©thodes de travail sont imposĂ©es, oĂč les salariĂ©s reçoivent des ordres explicites, suivent des procĂ©dures de qualitĂ© strictes et sont contrĂŽlĂ©s trĂšs rĂ©guliĂšrement, aux contextes oĂč les formes d’encadrement laissent plus de latitude, tout en leur assignant des objectifs chiffrĂ©s et en les contrĂŽlant pĂ©riodiquement Ă  travers des entretiens d’évaluation. 17 Les variables socio-dĂ©mographiques sont bien sĂ»r placĂ©es en supplĂ©mentaire » lors du calcul des f ... 41On peut rĂ©sumer cette opposition par l’existence de deux dimensions du travail la stabilitĂ© et la directivitĂ©. En haut Ă  gauche du plan, l’espace social du vouvoiement est d’abord caractĂ©risĂ© par des contextes de travail relativement stables, oĂč le suivi est peu individualisĂ©, ce qui correspond plutĂŽt aux environnements du travail peu qualifiĂ© ouvriers, employĂ©s. En bas Ă  droite, l’espace du tutoiement est celui du travail des cadres et professions intermĂ©diaires, caractĂ©risĂ© par plus de changements, des Ă©valuations individualisĂ©es, des objectifs, des primes, des mĂ©thodes libres assorties d’un contrĂŽle plus Ă©pisodique. Les ACM ne permettant pas de contrĂŽler les effets de structure, nous retrouvons donc logiquement l’effet sous-jacent des niveaux hiĂ©rarchiques17. Pour Ă©tudier plus en dĂ©tail ces deux dimensions, nous allons successivement aborder ce que le tutoiement doit aux changements contextuels et en quoi il peut ĂȘtre corrĂ©lĂ© aux Ă©volutions des formes de contrĂŽle du travail. Figure 7. Analyse des correspondances multiples ACM EncadrĂ© 3. DĂ©tails de l’ACMLe plan factoriel agrĂšge les rĂ©pondants des secteurs public et privĂ© n = 16 134.Les variables actives sont ContrĂŽle frĂ©quence de contrĂŽle du le travail est-il contrĂŽlĂ© par le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct ? le travail est-il contrĂŽlĂ© par des moyens informatiques ou vidĂ©o ? le salariĂ© reçoit-il des ordres, des consignes, suit-il des procĂ©dures ou des modes d’emploi ?MĂ©thode imposĂ©e le supĂ©rieur hiĂ©rarchique impose-t-il la mĂ©thode de travail ou fixe-t-il seulement des objectifs et laisse-t-il libre de les atteindre de diffĂ©rentes maniĂšres ? le salariĂ© fait-il partie d’un groupe de travail de type groupe de projet, de rĂ©solution de problĂšme, de pilotage ?Objectifs le salariĂ© doit-il atteindre des objectifs prĂ©cis ?ProcĂ©dures le salariĂ© suit-il des procĂ©dures qualitĂ© strictes ?AmĂ©liorations le salariĂ© a-t-il pu proposer derniĂšrement des amĂ©liorations de son poste de travail, des procĂ©dĂ©s, des machines ?Primes une partie ou la totalitĂ© de la rĂ©munĂ©ration est-elle variable ?EvaluĂ© le salariĂ© a-t-il au moins un entretien d’évaluation par an ?Chg Tech le salariĂ© a-t-il constatĂ© des changements techniques dans son travail durant les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dant l’enquĂȘte ?Chg Org le salariĂ© a-t-il constatĂ© des changements organisationnels durant les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dant l’enquĂȘte ?Chg dir° le salariĂ© a-t-il constatĂ© un changement de direction, un rachat ou une restructuration de son entreprise durant les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dant l’enquĂȘte ?Les variables supplĂ©mentaires sont Sexe, Âge et PCS. Le tutoiement corrĂ©lĂ© aux changements organisationnels dans le secteur privĂ© 18 Les diffĂ©rences que l’on observe, si elles vont toutes dans le sens d’une lĂ©gĂšre intensification du ... 42Dans le secteur privĂ©, le tutoiement est plus frĂ©quent dans les contextes de changement. Lorsque les salariĂ©s mentionnent une restructuration, un rachat, ou un changement dans l’équipe de direction » dans les trois annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, la proportion des rĂ©pondants Ă  dĂ©clarer tutoyer leur chef direct progresse de 10 points de pourcentage ; lorsqu’il s’agit de changements dans les façons de travailler ou dans l’organisation du travail », l’écart est de 9 points ; enfin, en cas de changements dans les techniques utilisĂ©es, ce taux augmente de 7 points. Ces Ă©lĂ©ments laissent donc Ă  penser que les changements dĂ©clarĂ©s dans le secteur privĂ© s’accompagnent tous d’une intensification du tutoiement, phĂ©nomĂšne que l’on ne retrouve pas avec la mĂȘme intensitĂ© dans le secteur public18. Mais, dans la mesure oĂč les changements sont dĂ©clarĂ©s d’autant plus frĂ©quemment que les rĂ©pondants sont Ă©levĂ©s dans la hiĂ©rarchie, il peut ĂȘtre intĂ©ressant de mesurer leur effet sur le tutoiement toutes choses Ă©gales par ailleurs. 43Un modĂšle de rĂ©gression logistique intĂ©grant notamment l’effet des changements dĂ©clarĂ©s sur le tutoiement tableau 3 permet de constater qu’il existe bien un effet propre des changements organisationnels et plus encore des changements de direction sur la probabilitĂ© de tutoyer son chef, mĂȘme si ces effets ne s’observent, ici encore, que dans le secteur privĂ©. Les salariĂ©s du privĂ© qui dĂ©clarent ces types de changements ont en effet une probabilitĂ© significativement plus Ă©levĂ©e de tutoyer leur chef, rĂ©sultat que l’on n’observe pas en prĂ©sence de changements techniques, ce qui semble finalement assez logique ce n’est que lorsque les changements dĂ©clarĂ©s concernent les relations interpersonnelles au travail via l’organisation ou lorsque les tĂȘtes changent que le tutoiement gagne du terrain. S’il n’est question que de technique, il n’y a logiquement pas de raison que les rapports interpersonnels Ă©voluent significativement. Dans le secteur public, les changements dĂ©clarĂ©s n’ont pas d’effet statistiquement significatif sur le tutoiement. LĂ  encore, le secteur public se signale par des rĂšgles d’adresse peu sensibles au contexte. Figure 8. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction des changements dĂ©clarĂ©s dans le secteur privĂ© Source et champ voir la figure 1 secteur privĂ© uniquement. Tableau 3. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct Source et champ voir la figure 1. Le tutoiement, marqueur d’une moindre directivitĂ© du travail ? 44Pour dĂ©terminer vers quelles formes d’organisation ces changements conduisent, et en quoi elles peuvent favoriser le tutoiement, il faut aller puiser dans les parties du questionnaire relatives aux conditions de travail. On constate alors que le tutoiement est corrĂ©lĂ© Ă  certaines formes d’organisation du travail oĂč la directivitĂ© est faible. 45Lorsque les salariĂ©s du privĂ© ont par exemple la possibilitĂ© d’adapter leur mĂ©thode de travail en fonction des besoins — que leur travail est dĂ©fini par des objectifs Ă  atteindre et non par des mĂ©thodes — ou qu’ils ont la possibilitĂ© de suggĂ©rer des amĂ©liorations de leur poste de travail, le tutoiement est systĂ©matiquement plus frĂ©quent. Dans le mĂȘme esprit, les salariĂ©s participant Ă  des groupes de travail de type groupe de projet » autour de 20 % des rĂ©pondants tutoient leur chef Ă  hauteur de 77 %, contre seulement 62 % de ceux qui n’en sont pas membres. Chez les seuls cadres, dĂ©jĂ  plus enclins que les autres groupes Ă  tutoyer leur chef, on atteint mĂȘme 80 % de tutoiement contre 72 % chez ceux qui ne participent pas Ă  ces groupes. Dans la mesure oĂč ils ont prĂ©cisĂ©ment pour fonction de passer outre les divisions hiĂ©rarchiques et fonctionnelles en rĂ©unissant des salariĂ©s dĂ©pendant de directions distinctes et de niveaux divers, les groupes de projet sont des lieux tout Ă  fait propices Ă  l’adoption d’un tutoiement Ă©galitaire par-delĂ  les distinctions hiĂ©rarchiques. Le tutoiement s’associe donc Ă  une certaine autonomie dans l’organisation du travail, typique d’une gestion par projets oĂč les salariĂ©s sont fortement responsabilisĂ©s. Mais, le fait est connu, cette autonomie s’assortit gĂ©nĂ©ralement de formes moins directes — mais non moins agissantes — de contrĂŽle hiĂ©rarchique, notamment via des objectifs chiffrĂ©s dont l’atteinte est Ă©valuĂ©e pĂ©riodiquement. Un tutoiement associĂ© au management par objectifs dans le secteur privĂ© 46Ainsi, dans le secteur privĂ©, le tutoiement du chef est effectivement plus frĂ©quent chez les salariĂ©s qui doivent atteindre des objectifs chiffrĂ©s 67 %, + 11 points et chez ceux qui ont des parts salariales variables 70 %, + 8 points. De mĂȘme, 72 % des salariĂ©s qui font l’objet d’un entretien annuel d’évaluation tutoient leur chef, contre Ă  peine 57 % de ceux qui n’en font pas. Dans le secteur public, on observe Ă©galement une corrĂ©lation entre parts salariales variables et tutoiement 53 %, + 13 points. 47Une fois de plus, il convient de contrĂŽler les effets de structure, car ces pratiques sont beaucoup plus frĂ©quentes chez les cadres, tout particuliĂšrement dans le secteur privĂ©. Ces derniers sont gĂ©nĂ©ralement ceux par qui et sur qui les mĂ©thodes managĂ©riales se diffusent en premier. Aussi, les diffĂ©rentes variables caractĂ©ristiques d’un management par objectifs ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©es dans le modĂšle de rĂ©gression prĂ©sentĂ© plus haut tableau 3. 48On constate alors que dans le secteur privĂ©, l’assignation d’objectifs chiffrĂ©s, les parts salariales variables, les entretiens individuels et l’autonomie dans les mĂ©thodes de travail accroissent bien — toutes choses Ă©gales par ailleurs — la probabilitĂ© de recourir au tutoiement dans les relations hiĂ©rarchiques. IndĂ©pendamment des caractĂ©ristiques des salariĂ©s et de leurs chefs, lĂ  oĂč se conjuguent changements organisationnels et mĂ©thodes managĂ©riales basĂ©es sur la responsabilisation individuelle, le tutoiement est plus frĂ©quent. Il semble mĂȘme que ces transformations viennent affaiblir l’effet des frontiĂšres hiĂ©rarchiques que nous avions observĂ©es dans la premiĂšre partie lorsque les salariĂ©s sont exposĂ©s aux mĂȘmes changements et aux mĂȘmes mĂ©thodes managĂ©riales, le fait d’ĂȘtre ouvrier ou employĂ© ne diminue plus significativement la probabilitĂ© de tutoyer son chef, comparativement aux professions intermĂ©diaires. Seuls les cadres se distinguent encore du reste des rĂ©pondants par une probabilitĂ© significativement plus Ă©levĂ©e de tutoyer leur n+1. D’un point de vue linguistique, les outils managĂ©riaux semblent donc produire un lissage apparent des frontiĂšres hiĂ©rarchiques de bas niveau dans le secteur privĂ©. 49Ces rĂ©sultats cadrent avec le portrait idĂ©al-typique d’un travailleur du privĂ© soumis aux injonctions paradoxales du nĂ©o-management plus autonome, encouragĂ© Ă  prendre des initiatives, associĂ© aux projets de sa structure, mais dans le mĂȘme temps Ă©valuĂ© de maniĂšre quantitative Ă  Ă©chĂ©ances rĂ©guliĂšres et motivĂ© par des avantages financiers. Ce salariĂ© ne peut qu’entretenir un rapport ambigu Ă  sa hiĂ©rarchie, qui se pare de tous les attributs de la proximitĂ©, se laissant d’autant plus la possibilitĂ© d’investir un rapport interpersonnel gommant les signes de l’autoritĂ© formelle en adoptant notamment le tutoiement que cette autoritĂ© s’exerce bel et bien en arriĂšre-plan par l’usage d’outils standardisĂ©s qui mĂ©dient le contrĂŽle et l’autoritĂ©, voire permettent de le transfĂ©rer Ă  des entitĂ©s extĂ©rieures. L’adoption du tutoiement peut alors ĂȘtre le signe d’un transfert des marqueurs et des vĂ©hicules de l’autoritĂ© hiĂ©rarchique dans les organisations. La figure du petit chef » ne s’impose plus dĂšs lors que le contrĂŽle du travail s’effectue de maniĂšre pĂ©riodique via des indicateurs chiffrĂ©s. Le vouvoiement public, signe d’une rĂ©sistance du modĂšle bureaucratique ? 50Dans le secteur public, oĂč la diffusion des outils managĂ©riaux Ă©tudiĂ©s Ă©tait pourtant dĂ©jĂ  notable au moment de l’enquĂȘte Guillemot et Jeannot, 2013, on ne trouve d’effet significatif sur le tutoiement que pour les entretiens d’évaluation, qui sont le seul Ă©lĂ©ment contextuel Ă  augmenter significativement la probabilitĂ© du tutoiement chez les agents de l’État. On pourrait y voir un signe de la diffusion d’outils managĂ©riaux typiques du secteur privĂ© Ă  l’intĂ©rieur de l’État. L’entretien professionnel n’est-il pas l’un des leviers de reconnaissance de la performance » des fonctionnaires Chanut et Rojot, 2011 ? Sans doute faut-il prendre en compte ici le fait que les entretiens d’évaluation peuvent avoir des fonctions assez diffĂ©rentes en fonction des secteurs. Dans le secteur privĂ©, l’entretien d’évaluation est souvent un moment propice aux Ă©changes concernant la rĂ©munĂ©ration, l’évolution de carriĂšre, en lien avec l’atteinte ou non des objectifs chiffrĂ©s ; ils sont un moment clĂ© du fonctionnement contractuel du management par objectifs. Dans le secteur public, malgrĂ© une volontĂ© constamment rĂ©pĂ©tĂ©e de mieux reconnaĂźtre les mĂ©rites », le caractĂšre impersonnel du statut limite la possibilitĂ©, pour le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct, de nĂ©gocier pareillement les conditions d’emploi de l’agent. L’entretien d’évaluation se mue alors en un moment d’échange relativement formel du fait de son intĂ©gration dans la gestion administrative des carriĂšres » Guillemot et Jeannot, 2013. Il faut donc prendre avec prudence la portĂ©e managĂ©riale d’un dispositif d’évaluation aussi gĂ©nĂ©ralisĂ©. Au sein de la fonction publique, les discours sur l’amĂ©lioration de la gestion des ressources humaines » ont longtemps Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  n’ĂȘtre qu’une rhĂ©torique vide, compte tenu des contraintes affĂ©rentes du statut » Chevalier, 2010. 51Les entretiens d’évaluation mis Ă  part, on ne trouve pas d’effet propre de la diffusion de mĂ©thodes managĂ©riales inspirĂ©es du secteur privĂ© sur le recours au tutoiement dans le secteur public en 2006. Les normes langagiĂšres dans les rapports hiĂ©rarchiques au sein de la fonction publique d’État semblent donc peu sensibles aux changements gestionnaires et aux tentatives d’instaurer un management plus individualisĂ©, Ă  l’image de ce qu’on a pu observer dans le secteur privĂ©. Pour le confirmer, nous avons rĂ©alisĂ© un modĂšle synthĂ©tique rĂ©unissant les deux secteurs tableau 3, modĂšle ensemble » afin de vĂ©rifier l’existence d’un effet propre de l’appartenance au secteur public sur le tutoiement. En contrĂŽlant les diffĂ©rences dans la composition des populations ainsi que les changements dĂ©clarĂ©s, un agent du secteur public conserve toujours des chances de tutoyer son chef deux fois moindres que celles d’un salariĂ© du privĂ©. 52Il demeure donc un effet propre de l’appartenance Ă  la fonction publique d’État sur la probabilitĂ© de tutoyer son chef. La fonction publique d’État possĂšde un rĂ©pertoire pronominal spĂ©cifique peu sensible aux transformations contextuelles. MalgrĂ© la tentation de dĂ©bureaucratiser » l’administration et la tendance de l’État Ă  s’inspirer du secteur privĂ© pour abandonner la diffĂ©rentiation nĂ©gative » de son modĂšle d’emploi Emery et Giauque, 2005, p. 682, le recours plus frĂ©quent au vouvoiement dans l’État, tel qu’il se donnait Ă  voir en 2006, montre les limites inhĂ©rentes Ă  toute dĂ©marche visant Ă  manager » les fonctionnaires comme des salariĂ©s du privĂ© Buisson et Peyrin, 2017. L’attachement au vouvoiement chez les fonctionnaires d’État traduit peut-ĂȘtre la rĂ©sistance d’un modĂšle bureaucratique qui se dĂ©finit notamment par sa forte verticalitĂ© et une distribution claire des rĂŽles dans la hiĂ©rarchie » Guillemot et Jeannot, 2013. Cette question apparemment anodine du choix du pronom traduit peut-ĂȘtre de maniĂšre trĂšs rĂ©vĂ©latrice les limites des tentatives d’hybridation des mĂ©thodes gestionnaires portĂ©es par la nouvelle gestion publique » Bezes, 2005 en matiĂšre de gestion des personnels. 4. Conclusion 19 Revenant sur un travail de Jean-Gustave Padioleau rĂ©alisĂ© au journal Le Monde en 1985, EugĂ©nie SaĂŻt ... 53Tutoyer son chef n’est pas exclusivement le produit d’un intuitu personae, d’un feeling » entre personnes le recours Ă  des donnĂ©es quantitatives permet de faire ressortir clairement l’existence de rĂšgles d’adresse toujours agissantes dans la vie professionnelle ; le tutoiement, s’il est majoritaire, reste bien l’objet d’une codification dĂ©pendant des rapports sociaux entre le subordonnĂ© et son chef, rapports qui conditionnent largement la possibilitĂ© d’un recours Ă  la sĂ©mantique de solidaritĂ© » qu’implique le tu ». Les trois frontiĂšres sociales mises en lumiĂšre par D. Guigo Ă  la fin des annĂ©es 1980 sont toujours bien prĂ©sentes. Nous avons notamment vu que les hommes, quel que soit leur niveau hiĂ©rarchique, tutoient toujours plus leur chef que les femmes et que ces derniĂšres, mĂȘme sous l’autoritĂ© de femmes, semblent toujours moins opter pour le tu ». On a Ă©galement pu voir que la frĂ©quence du tutoiement Ă©tait proportionnelle au niveau hiĂ©rarchique on se permet » d’autant plus de tutoyer son chef qu’on est soi-mĂȘme Ă©levĂ© dans la hiĂ©rarchie professionnelle. Enfin, nous avons vu que l’ñge et la gĂ©nĂ©ration jouaient Ă©galement un rĂŽle l’ñge parce que le tutoiement est toujours plus facile avec nos congĂ©nĂšres ; la gĂ©nĂ©ration parce que les salariĂ©s les plus ĂągĂ©s semblent les plus respectueux des rĂšgles d’adresse. Ce dernier rĂ©sultat nous pousse Ă  faire l’hypothĂšse d’une rarĂ©faction progressive du vouvoiement au travail, hypothĂšse qui n’est pas contredite par la mise en perspective de nos rĂ©sultats avec ceux de D. Guigo, mĂȘme s’il s’agit de donnĂ©es bien diffĂ©rentes des nĂŽtres et logiquement incommensurables. En insistant sur le caractĂšre Ă©lectif du tutoiement, son travail ethnographique laisse imaginer la raretĂ© relative de cette rĂšgle d’adresse au tournant des annĂ©es 1990, ce qui permet de saisir, par comparaison, Ă  quel point certains formalismes qui s’imposaient encore il y a une trentaine d’annĂ©es dans les rapports interpersonnels semblent avoir reculĂ©. Un certain nombre des styles mis en lumiĂšre Ă  l’époque n’ont probablement plus beaucoup cours et le tutoiement, qui paraissait alors une forme trĂšs marquĂ©e de proximitĂ©, semble s’ĂȘtre banalisĂ© dans l’intervalle. Les marqueurs langagiers de la hiĂ©rarchie semblent s’affaiblir, au mĂȘme titre que d’autres formalismes, notamment vestimentaires19. 20 Oderint, dum metuant. 54Nous avons ensuite vu comment le tutoiement pouvait ĂȘtre le marqueur de changements organisationnels allant dans le sens d’une diffusion de pratiques d’inspiration nĂ©o-managĂ©riale oĂč cohabitent Ă©troitement l’autonomie, le travail par projets et une plus forte redevabilitĂ© du travail le relĂąchement formel dans les interactions s’accompagne volontiers de plus de comptes Ă  rendre, Ă  travers l’assignation d’objectifs chiffrĂ©s dĂ©bouchant sur des Ă©valuations pĂ©riodiques. On peut dĂšs lors voir dans le tutoiement le signe d’une transformation des rapports de pouvoir dans les organisations, libĂ©rant les cadres de contact de leurs fonctions de coercition directe, de surveillance et de contrĂŽle du travail — lesquelles s’accompagnaient volontiers d’une dĂ©fĂ©rence forcĂ©e de la part des subordonnĂ©s —, sans toutefois que disparaissent totalement les rapports de pouvoir liĂ©s Ă  l’exercice d’une fonction hiĂ©rarchique. On peut se laisser tutoyer, donner une grande autonomie, le contrĂŽle n’en est pas moins agissant il est seulement transfĂ©rĂ© au suivi quantitatif et ses manifestations sont espacĂ©es dans le temps. Émergerait donc, dans le cadre professionnel, une sĂ©mantique qui brouille les catĂ©gories de R. Brown et A. Gilman 1960 il existe aujourd’hui un tutoiement hybride qui ne s’inscrit pas tout Ă  fait dans une sĂ©mantique de la solidaritĂ© » ni n’abdique toute prĂ©tention Ă  l’exercice du pouvoir. Paraphrasant Caligula, Ă  qui l’on prĂȘte la cĂ©lĂšbre formule inspirĂ©e de TibĂšre qu’ils me haĂŻssent, pourvu qu’ils me craignent »20, les responsables hiĂ©rarchiques d’aujourd’hui pourraient dire qu’ils me tutoient, pourvu qu’ils m’obĂ©issent ». Haut de page Bibliographie Austin, J. L., 1962, How To Do Things With Words. Oxford University Press, New York. BĂ©al, C., 1989, “On se tutoie ?” Second Person Pronominal Usage and Terms of Address in Contemporary French », Australian Review of Applied Linguistics, vol. 12, n° 1, p. 61-82. Bernard, S., 2014, Le travail de l’interaction. CaissiĂšres et clients face Ă  l’automatisation des caisses », SociĂ©tĂ©s contemporaines, n° 94, p. 93-119. Bezes, P., 2005, Le modĂšle de “l’État stratĂšge” genĂšse d’une forme organisationnelle dans l’administration française, Sociologie du travail, vol. 47, n° 4, p. 431-450. Bezes, P., 2009, RĂ©inventer l’État. Les rĂ©formes de l’administration française 1962-2008, Presses universitaires de France, Paris. 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DGAFP Direction gĂ©nĂ©rale de l’Administration et de la Fonction Publique FPE Fonction publique de l’État FPH Fonction publique hospitaliĂšre FPT Fonction publique territoriale INSEE Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques PCS Professions et catĂ©gories socio-professionnelles REPONSE EnquĂȘte statistique menĂ©e par la DARES, dont le nom complet est Relations professionnelles et nĂ©gociations d’entreprise » SESSI Service d’étude des stratĂ©gies et des statistiques industrielles de l’INSEE Haut de page Notes 1 On peut par exemple trouver dans des articles qui traitent du sujet une recommandation simple proposant une distinction entre un tutoiement rĂ©servĂ© aux proches, aux enfants et aux animaux, et un vouvoiement plus gĂ©nĂ©ralement adressĂ© aux inconnus Ismail et al., 2014. 2 S’il est connu que toutes les langues n’opĂšrent pas une telle distinction, aucune ne se prive cependant totalement de marqueurs de dĂ©fĂ©rence Ă  travers par exemple l’usage d’une dĂ©nomination officielle, d’un titre ou au contraire d’un prĂ©nom, etc. 3 Les nobles tutoient les gens du peuple, et ceux-ci utilisent le vous Ă  l’égard des seigneurs. Les gens du peuple eux-mĂȘmes tutoient les mendiants, qui en retour pratiquent le vouvoiement. Dans le cercle familial, quel que soit le niveau social, les parents recourent au tu quand ils s’adressent Ă  leurs enfants, et ceux-ci utilisent le vous en retour, ce qui permet aux enfants de se familiariser dĂšs l’ñge le plus tendre avec la relation asymĂ©trique ou non rĂ©ciproque de pouvoir qu’ils retrouveront plus tard Ă  l’échelle de la sociĂ©tĂ© » Peeters, 2004, p. 4-5. 4 Le fameux Ă©change entre N. Sarkozy et un visiteur du salon de l’agriculture en 2008 est tout Ă  fait illustratif de ce principe. Ce dernier, refusant de serrer la main du premier, lui a dit Touche-moi pas tu me salis ». On note que la charge offensante Ă©tait volontairement redoublĂ©e par le tutoiement. La rĂ©ponse Eh ben alors casse-toi, pauv’ con ! » a contribuĂ© Ă  abaisser » la fonction prĂ©sidentielle aux yeux des commentateurs, du fait de l’insulte Ă©videmment, mais aussi du fait du tutoiement, qui est apparu dĂ©placĂ©, mais largement prĂ©visible chez un homme politique connu pour tutoyer tout le monde, Ă  commencer par les journalistes Carton, 2003. 5 Les sigles et acronymes utilisĂ©s dans l’article sont dĂ©taillĂ©s en annexe. 6 Certains styles sont en effet non attestĂ©s selon le sexe des protagonistes ou trĂšs directement dĂ©pendants de leurs sexes respectifs. Le style militaire » — au charme surannĂ© — nom de famille + tu Lambert, tu viens manger ? » Ă©tait strictement masculin, tandis que le style amĂ©ricain » prĂ©nom + vouvoiement n’était pratiquĂ© que par les hommes Ă  l’adresse des femmes souvent de niveau hiĂ©rarchique infĂ©rieur ou entre femmes mais jamais, selon D. Guigo, par une femme Ă  l’adresse d’un homme. L’auteur ne nĂ©glige cependant pas que la trĂšs faible fĂ©minisation de la direction qu’il a Ă©tudiĂ©e diminuait la probabilitĂ© d’une telle situation. 7 L’extension de l’enquĂȘte COI Ă  l’administration d’État permet cependant d’aborder de maniĂšre originale la question du devenir de la bureaucratie dans un contexte marquĂ© par la rĂ©fĂ©rence au marchĂ© et au modĂšle de gestion du privĂ© » Guillemot et Jeannot, 2013, p. 87. 8 Il est ainsi notable que le tutoiement du chef progresse de prĂšs de 10 points chez les salariĂ©s qui travaillent de nuit. Ainsi, certains contextes de travail pĂ©nibles favorisent peut-ĂȘtre l’émergence de relations dĂ©barrassĂ©es des formalismes usuels, mĂȘme si, lĂ  encore, le travail de nuit concerne plus des hommes. 9 Situation assez rare au demeurant, qui ne concernait que 10 % des hommes dans la base COI. 10 Ce phĂ©nomĂšne semble d’ailleurs d’autant plus sensible que l’écart d’ñge a toutes les chances d’ĂȘtre relativement faible lorsque le rĂ©pondant est ĂągĂ©. Du fait des dĂ©parts Ă  la retraite, la probabilitĂ© d’avoir un chef beaucoup plus ĂągĂ© que soi diminue logiquement avec la montĂ©e en Ăąge. 11 Les trois barriĂšres sexe, Ăąge, hiĂ©rarchie se renforcent mutuellement. Toute familiaritĂ© est pratiquement exclue si plusieurs barriĂšres se superposent on ne voit presque jamais une jeune collaboratrice tutoyer un chef de service d’ñge respectable, ni un jeune cadre dire Tu Ă  une employĂ©e ĂągĂ©e » Guigo, 1991, p. 47. 12 On trouve par exemple, dans un article de Philippe Charrier relatif aux hommes exerçant le mĂ©tier de sage-femme, un verbatim d’entretien qui traduit cette diffĂ©rence entre hommes et femmes dans la maniĂšre d’envisager les frontiĂšres hiĂ©rarchiques DĂ©jĂ  la relation que j’ai pu avoir avec les diffĂ©rents gynĂ©cos et surtout les gynĂ©cos hommes, moi en tant qu’homme on a un contact nettement plus simple. C’est-Ă -dire qu’on peut plus facilement passer au tutoiement, enfin cette notion de hiĂ©rarchie entre le mĂ©decin et la sage-femme Ă©tait beaucoup moins marquĂ©e, moi en tant qu’homme qu’avec certaines collĂšgues femmes » Charrier, 2007, p. 111. 13 La taille respective des deux bases peut Ă©videmment ĂȘtre en cause, mais les quelque 1500 rĂ©pondants dans la FPE devraient permettre une certaine consolidation statistique des rĂ©sultats. Ce n’est pas le cas. 14 Dans un entretien avec ValĂ©rie Boussard, Ève Chiapello pointait ainsi diffĂ©rents Ă©lĂ©ments prĂ©carisation croissante des salariĂ©s, rĂ©duction du nombre de niveaux hiĂ©rarchiques, modification plus frĂ©quente du contenu du travail et des structures organisationnelles, dĂ©veloppement du tutoiement au travail, illĂ©gitimitĂ© des comportements autoritaires, attention croissante aux compĂ©tences de nĂ©gociation et de communication des cadres » Boussard, 2005, p. 12, nous soulignons. 15 MĂȘme si l’anglais, contrairement Ă  ce qu’on pense gĂ©nĂ©ralement, a presque totalement abandonnĂ©, grammaticalement parlant, le tutoiement thou au profit du vouvoiement systĂ©matique you. Il reste que la question grammaticale s’efface derriĂšre la logique sociale en l’absence de nivellement entre pronoms, le dernier utilisĂ©, fĂ»t-il distanciĂ© Ă  l’origine, devient inĂ©vitablement Ă©galitaire, ce qui n’empĂȘche nullement de signifier la dĂ©fĂ©rence par d’autres moyens usage de titres, etc.. 16 Cette influence de l’ aplatissement pronominal » associĂ© Ă  l’anglais se retrouve d’ailleurs dans les donnĂ©es de l’enquĂȘte COI, puisque le tutoiement est corrĂ©lĂ© Ă  la frĂ©quence d’utilisation de l’anglais au travail 86 % des cadres du privĂ© qui le parlent frĂ©quemment au travail tutoient leur chef, contre 65 % de ceux qui ne le parlent jamais. 17 Les variables socio-dĂ©mographiques sont bien sĂ»r placĂ©es en supplĂ©mentaire » lors du calcul des facteurs voir l’encadrĂ© 3. 18 Les diffĂ©rences que l’on observe, si elles vont toutes dans le sens d’une lĂ©gĂšre intensification du tutoiement en contexte de changement, ne sont pas ou trĂšs peu significatives statistiquement. 19 Revenant sur un travail de Jean-Gustave Padioleau rĂ©alisĂ© au journal Le Monde en 1985, EugĂ©nie SaĂŻtta relĂšve une Ă©volution notable Les hiĂ©rarchies internes [
] apparaissent plus attĂ©nuĂ©es en 2001 qu’auparavant. Premiers Ă©lĂ©ments de changement, l’abandon du vouvoiement pour le tutoiement systĂ©matique, et du costume cravate pour un libre arbitre dans le choix vestimentaire, certains journalistes se contentant d’un jean et d’un tee-shirt » SaĂŻtta, 2005, p. 193. 20 Oderint, dum de page Table des illustrations Titre Figure 1. RĂšgle d’adresse utilisĂ©e avec le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct LĂ©gende Source enquĂȘtes COI et COI-FP 2006 / volet salariĂ©s », Statistique publique, salariĂ©s ayant au moins un an d’anciennetĂ© des entreprises de plus de vingt salariĂ©s secteur privĂ© et agents de la FPE hors enseignants et magistrats. Uniquement les salariĂ©s travaillant au contact direct de leur chef ». DonnĂ©es pondĂ©rĂ©es. URL Fichier image/png, 53k Titre Figure 2. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 43k Titre Tableau 1. Tutoiement ou vouvoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du secteur privĂ© — en % LĂ©gende Source et champ voir la figure 1 privĂ© uniquement. URL Fichier image/png, 377k Titre Figure 3. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction du sexe du rĂ©pondant LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 43k Titre Figure 4. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de la PCS et du secteur LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 77k Titre Figure 5. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction de l’écart d’ñge LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 66k Titre Figure 6. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct lorsqu’il est plus ĂągĂ© en fonction de l’ñge LĂ©gende Source et champ voir la figure 1 + salariĂ©s dont le chef » est plus ĂągĂ© qu’eux n = 6919.Lecture 58 % des salariĂ©s de moins de 30 ans tutoient leur chef lorsqu’il est plus ĂągĂ©. URL Fichier image/png, 60k Titre Tableau 2. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct LĂ©gende Source et champ voir la figure les trois modĂšles privĂ© n = 14 121, public n = 1 214, ensemble n = 15 358 comparent les chances p/1-p de tutoyer son chef entre une situation de rĂ©fĂ©rence homme entre 30 et 39 ans, de niveau profession intermĂ©diaire », ayant un chef du mĂȘme sexe et de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et une situation qui ne se diffĂ©rencie de la rĂ©fĂ©rence que par un critĂšre Ă  la fois. Si les odds ratio sont supĂ©rieurs Ă  1, l’effet estimĂ© est positif ; s’ils sont compris entre 0 et 1, l’effet est nĂ©gatif. Ainsi, dans le secteur privĂ©, si au lieu d’ĂȘtre un homme, la rĂ©pondante est une femme, les chances qu’elle tutoie son chef sont deux fois moindres contre 1. Les astĂ©risques accolĂ©s Ă  l’odd ratio renseignent la significativitĂ© de l’effet mesurĂ© *** significatif au seuil de 1 %, ** au seuil de 5 % et * au seuil de 10 %. URL Fichier image/png, 225k Titre Figure 7. Analyse des correspondances multiples ACM URL Fichier image/png, 13k Titre Figure 8. Tutoiement du supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct en fonction des changements dĂ©clarĂ©s dans le secteur privĂ© LĂ©gende Source et champ voir la figure 1 secteur privĂ© uniquement. URL Fichier image/png, 104k Titre Tableau 3. ModĂ©lisations logit de la probabilitĂ© de tutoyer le supĂ©rieur hiĂ©rarchique direct LĂ©gende Source et champ voir la figure 1. URL Fichier image/png, 358k Haut de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Alex Alber, Tutoyer son chef. Entre rapports sociaux et logiques managĂ©riales », Sociologie du travail [En ligne], Vol. 61 - n° 1 Janvier-Mars 2019, mis en ligne le 07 mars 2019, consultĂ© le 28 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur Alex AlberCitĂ©s, territoires, environnement et sociĂ©tĂ©s, Ă©quipe Construction sociale et politique des espaces, des normes et des trajectoires » CITERES/COST, UMR 7324 CNRS et UniversitĂ© de Tours, MSH Villes et Territoires, BP 60449, 37204 Tours Cedex 03, FranceChercheur associĂ© au CEET/ de page

qu implique le tutoiement dans une relation